Cultures contemporaines
Entrée libre
France
Exposition

Sans tambour, ni trompette

Admirateur de l’oeuvre protéiforme de Roland Topor, le commissaire d’exposition et directeur de centre d’art Bertrand Godot propose au lieu unique un projet collectif réunissant sept artistes autour de cette figure tutélaire, qui en est à la fois l’invité d’honneur et le huitième artiste. Sensible à la bêtise, figure de l’excès et de la jouissance, personnage subversif et provocateur, Topor se moque du genre humain comme de lui-même. Explorant les envers de décor, les travers de l’espèce humaine et l’érotisme, les artistes invités, à l’image de Roland Topor interrogent ici ces notions. Sans tambour ni trompette présente dans la cour du lieu unique plus de 200 oeuvres, créées pour l’exposition ou déjà existantes, comme autant de prétextes à (re)découvrir l’univers des artistes invités : l’absurdité vitale des pièces de Michael Dans, les oeuvres insolentes mais non moins élégantes d’Erik Dietman, le corpus iconographique hybridé de Benjamin Monti, l’entre «rêve et réalité» de Mrzyk & Moriceau, les jeux de construction de Daniel Nadaud et le goût de Didier Trenet pour les arts libertins du XVIIIe siècle. Dans le sillage de Topor, ces artistes contemporains continuent ainsi d’explorer les interstices, les marges, ce qui existe (ou non) «de l’autre côté de la page». Illustrateur (Hara-Kiri, Elle magazine), dessinateur (Toporland, Panic), peintre, écrivain (Le locataire chimérique), cinéaste (collaborations avec René Laloux, Federico Fellini), acteur (Werner Herzog), homme de radio (Des papous dans la tête) et de télé (Téléchat) connu pour le caractère surréaliste et engagé de ses oeuvres, Roland Topor fait partie de notre patrimoine visuel.

Vues de l'esprit (fragments découverts sur le bas-côté) 
Les enfants qui dessinent dans leurs cahiers de littérature ne finissent probablement pas tous instituteurs ou grammairiens, bien heureusement. Leur vision n'est pas construite sur des adverbes, ni des règles syntaxiques. Mais parfois le texte, s'il est particulièrement libre, n'en fait qu'à sa guise, et sourd entre leurs doigts tâchés sous d'autres formes. Les quadrillages ne retiennent pas leur trait dans leur rigidité; au contraire, ils les appellent à tracer dans les marges, puis au-delà de la page, sur leur table, les murs de l'école, le monde. Les blancs poussent à des révolutions quotidiennes et sans violence, à retourner la prose de l'intérieur pour en présenter les coutures. Dans le sillage d'encre de Roland Topor, singulier et trop onirique pour opérer réalistement, sept artistes continuent d'explorer les espaces entre les lignes, pour en faire émerger comme de rien, décidément sans tambour ni trompette, des univers intimes observés par réfraction. Car, loin d'être un hommage rétrospectif à Topor, l'exposition s'intéresse à des processus de création qui lui étaient chers, à l'inintelligible par les mots, à l'émergence de la forme. Bertrand Godot (qui cite comme inspiration Le geste et la parole d'André Leroi-Gourhan) s'émeut du parcours d'images tirées des circonvolutions les plus primitives des cortex, pour venir naître des mains, sans même le passage par le verbe. Cette interrogation sur le glissement mystérieux de la vision intérieure à l'image extérieure explique une scénographie sous forme symbolique de corps humain: vitrine double à l'entrée fonctionnant comme meurtrière sur l'intérieur, main triomphante de Didier Trenet, tête d'Erik Dietman, boyau de Mrzyk et Moriceau. Les cimaises viennent former une trame stricte, telle un chantier de fouilles archéologiques, permettant de faire apparaître progressivement, comme par strates, des artefacts qui se présentent comme des miroirs de l'esprit. Le lien avec Roland Topor n'est pas celui de la filiation directe (même si les accoitances paraissent légion). Un projet autour de cette grande figure du décalage ne pouvait d'ailleurs que prendre une approche tangentielle. Topor apparaît comme une figure tutélaire, porteuse d'une belle liberté de ton, d'une pratique ludique, anarchisante et pataphysique, à la technicité souvent marquée. Les artistes présentés ici ont donc été choisis pour la route particulière qu'ils ont empruntée, sinueuse au point d'être presque invisible parfois, qui lie leur pratique aux mondes du dedans. Il ne faudra donc pas s'étonner des croisements sur les motifs évoqués, les schémas mentaux explorés: érotismes grotesques, vanités magnifiées, souvenirs distendus, fragments et collages improbables, la plupart issus d'envies et de besoins fondamentaux, mais sublimés, faisant de l'ensemble un vaste cabinet de curiosités personnelles, d'histoires fantasmées, de pulsions vénéneuses et d'imaginaires viscéraux. Et si le visiteur ressent quelque nostalgie face à ce corps géant et gris, qui n'est autre que celui de l'Artiste, c'est qu'il y voit par intermittence des portes dérobées sur une ère de liberté révolue, le monde de l'enfance, où il se laissait encore aller aux dessins dans la marge. Patrick Gyger, avril 2013

Avec : Michael Dans, Erik Dietman, Benjamin Monti, Mrzyk & Moriceau, Daniel Nadaud, Roland Topor, Didier Trenet

Exposition présentée dans le cadre d'Atlantide - festival de littérature de Nantes, du 31 mai au 2 juin 2013. 
En écho à l’exposition, Michael Dans investit du 3 au 31 juillet l’une des vitrines des Galeries Lafayette de Nantes à l’occasion de l’événement « Vitrines sur l’Art ».   

 

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