Depuis plusieurs années, le lieu unique invite régulièrement des créateurs indisciplinés dont les trajectoires empruntent des chemins sinueux pour rendre la balade plus belle encore, aux frontières de l’art. C’est aussi l’occasion de rencontrer ces créateurs par le biais du cinéma. Trois portraits d’autodidactes internés pendant presque toute leur vie en hôpital psychiatrique, qui se libèrent et se réinventent par le biais de leur créativité : l’Allemand Gustav Mesmer, le Français André Robillard, le Brésilien Arthur Bispo do Rosario.
Gustav Mesmer, der Flieger de Hartmut Schoen (All, 1981, 10’) « Gustav Mesmer (1903-1994) fabrique d’étranges machines à voler qu’il expérimente dans la solitude. Comme Icare, Mesmer a l’ambition de voler pour s’enfuir loin de la prison où il est enfermé. Mais contrairement à la figure mythologique, l’homme ne parvient jamais à quitter la terre. Peu importe. L’envol demeure dans le registre du fantasme et de l’utopie, lesquels se déploient avec d’autant plus de ferveur. » (Lucienne Peiry)
André Robillard, en chemin de Henri-François Imbert (Fr, 2013, 79’, Étoile de la Scam 2014, mention spéciale du jury au festival Traces de vies de Vic-le-Comte 2013) Projection suivie d'une discussion avec le réalisateur En 1964, André Robillard s’est mis à fabriquer des fusils avec des matériaux de récupération ramassés au hasard de ses promenades dans l’hôpital psychiatrique où il vivait. Intrigué, son docteur envoya un de ces fusils à Jean Dubuffet, pour la collection d’art brut que celui-ci constituait. André Robillard, entré à "l’asile", comme on disait alors, à l’âge de neuf ans en 1939, a vécu depuis, pendant soixante-dix ans, dans le même hôpital, où il fut témoin de toute l’histoire de la psychiatrie. Aujourd’hui, à 89 ans, il est devenu un artiste internationalement reconnu. Après un premier film réalisé en 1993, Henri-François et André ont continué à se voir assez régulièrement. Henri-François filmait parfois ces rencontres, sans autre projet que de poursuivre la relation initiée notamment autour d'une caméra. « À travers le portrait d'André Robillard, Henri-François Imbert par la qualité de son regard et la pudeur de sa position nous interroge sur ce qu'est l'art et sur ce qu'est la vie d'un homme entre contrainte et liberté. André Robillard construit sa vie comme une œuvre et parcourt ce monde au pas de charge en ne cessant pas de le nommer. Son œuvre, l'homme qu'il est et le film sont, à ce propos, d'une adéquation formidable. »
L’Apothéose d’Arthur Bispo do Rosario de Maione de Queiroz Silva (Fr, 2004, 26’) Sous la forme d’une lettre, en voix off, la réalisatrice adresse un hommage émouvant au visionnaire illuminé Bispo do Rosario, décédé en 1989 à l’âge de 80 ans. Durant sa longue vie passée en grande partie à l’hôpital psychiatrique, celui-ci n’a cessé d’accumuler des objets et de broder des tissus pour remplir sa mission divine de témoin du monde. (…) Au détour des phrases adressées à l’artiste en offrande posthume, des interviews de médecins ou d’un commissaire de la biennale de Venise, se dessine un créateur inlassable dont l’œuvre confine à l’art brut. Artiste à son insu, Bispo do Rosario est devenu le chef de file involontaire de l’art contemporain brésilien. (Laurence Wavrin)