La Folk Journée

Cascadeur
plays Nick Drake
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The Healthy Boy
plays Tom Waits
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Forever Young
plays Neil Young
Fin janvier, chaque année, la fameuse Folle Journée prend place à la Cité des Congrès pour plusieurs jours entièrement dédiés au répertoire d’un compositeur ou d’un courant de la musique classique, interprété par différents artistes de choix. À quelques centaines de mètres de là, en écho à cet événement, le lieu unique organise une Folk Journée en reprenant le concept né dans l’esprit du directeur de la Folle Journée et en le déclinant autour de la folk music.
A l’instar de son illustre aînée, la Folk Journée, pour sa première édition qui aura lieu le 20 décembre 2013, fait la part belle à un répertoire identifié : le folk des années 60 et 70. Tom Waits, Nick Drake et Neil Young prennent ainsi la place de Chopin, Bach ou Mozart dans le cœur des Nantais le temps d’une soirée. Des répertoires impeccables, classieux à souhait – à défaut d’être classiques – interprétés par des valeurs sûres, des artistes passionnés par leurs sujets, que l’on connait par ailleurs pour leurs projets artistiques personnels : Alexandre Longo alias Cascadeur et sa pop planante, le French Cowboy (ex-Little Rabbits) Stéphane Louvain et son nouveau groupe tribute Forever Young, le Nantais Benjamin Nerot aka The Healthy Boy et son folk des cavernes réconfortant.
Des artistes que l’on apprécie au lieu unique et qui, à l’instar des musiciens de la Folle journée qui révisent les partitions de leurs maîtres, interprètent le répertoire de trois figures folk. L’idée d’une soirée placée sous le signe de la reprise, sans ironie ni snobisme, est aussi un pied de nez à une mode plus ou moins récente de la reprise décalée : aucune chance ici d’entendre une reprise version métal de Bob Dylan.
Cascadeur
Révélé par un concours organisé par les Inrockuptibles (CQFD 2008), le Messin Alexandre Longo a sorti il y a deux ans un bel album de pop onirique, axé sur un jeu de piano et un chant aériens que ses amis jugeaient alors périlleux. D’où ce pseudonyme de Cascadeur, une personne qui prend des risques et qui se protège, aussi. La musique de Cascadeur, qui s’apprête à sortir un album au casting très luxueux (Christophe, Stuart Staples de Tindersticks ou Midlake sont de la partie), prend toute sa dimension en concert où, coiffé d’un casque, le pianiste déverse un torrent d’émotions qui envahissent le public. Le masque : une métaphore du cascadeur mais aussi une manière de se protéger pour ce grand timide. Impossible de ne pas penser ici au folkeux anglais Nick Drake (1948-1974) dont Cascadeur n’aura aucun mal à se réapproprier le répertoire.
The Healthy Boy
Auteur d’une poignée d’albums indispensables, dont le fort recommandable Carne Farce Camisole (2013) enregistré en compagnie des Lyonnais de Zëro (ex-Bästard) rebaptisés pour l’occasion The Badass Motherfuckers, le Nantais Benjamin Nerot (Belone Quartet) compose des chansons folk sans âge parfaitement servies par sa voix sombre, caverneuse comme ce n’est pas permis. Des voix comme ça, on en croise peu. Au hasard : Leonard Cohen, Tom Waits. C’est justement l’œuvre du Canadien que le lieu unique a dans un premier temps soumis à The Healthy Boy.
Le Nantais, fan de Tom Waits, a préféré se pencher sur l’œuvre de l’Américain, et a décidé de resserrer le propos : seuls les deux premiers albums de Waits seront interprétés. Des albums moins connus du grand public et quasiment reniés par leur auteur, où le folk lorgne vers des sonorités jazz, rhythm and blues. Closing Time (1973) et The Heart of Saturday Night (1974), albums richement orchestrés, seront interprétés seul sur scène par Nerot, avec une face acoustique, une autre électrique, tel le Neil Young de Rust Never Sleeps (1979) aussi à l’honneur en cette soirée avec les collègues nantais de Forever Young.
Forever Young
Guitariste des Little Rabbits puis de French Cowboy, membre de La Secte Humaine, le groupe de Katerine sur la tournée Robots Après Tout puis de Jeanne Cherhal, Stéphane Louvain est un musicien au CV impressionnant qui n’avait pourtant jamais osé endosser l’habit de leader. C’est chose faite avec Forever Young, son projet d’hommage à Neil Young récemment créé avec des amis musiciens nantais. C’est à la face acoustique du loner que Louvain a décidé de rendre hommage et notamment à son mythique album Harvest (1972) mais aussi aux plus tardifs Comes a Time (1978) et Harvest Moon (1992). Entre exercice de style et projet récréatif revendiqué, Forever Young nous balade le long d’une discographie impeccable, parfaitement interprétée par un groupe tout à fait représentatif des meilleurs backing bands de Young (guitare, batterie, pedal steel, piano, basse et chœurs). Si l’hommage s’avère sincère et tout à fait respectueux, on est heureusement loin des tribute bands qui fleurissent de-ci de-là (ces faux Beatles, ces faux Pink Floyd en déguisements ridicules…). Non, Louvain ne s’est pas laissé pousser les cheveux et ne porte pas forcément de santiags en concert. Vocalement, il ne s’évertue pas non plus à vouloir singer le chant sans pareil de Young. La douceur mélodieuse et candide de son timbre vocal évoquerait plutôt Roger McGuinn (The Byrds) ou Norman Blake (Teenage Fanclub), ce qui est déjà beaucoup !