Cultures contemporaines
1h15
12 – 22 euros
France
Cirque

Chloé Moglia / Rhizome

Aléas

Trapéziste repérée dans une variation autour de Vertigo d’Alfred Hitchcock (Le Vertige, en collaboration avec Olivia Rosenthal, 2012), Chloé Moglia délaisse aujourd’hui cet agrès, mais pas sa fascination pour le vide. Avec Aléas, accompagnée de cinq interprètes féminines, cette star des airs évolue au-dessus de nos têtes, sans filet, et on en reste bouche bée. 

Aléas démontre combien le trapèze et plus précisément la suspension, les arts martiaux, le dessin, les sciences et la philosophie sont autant de portes qui ouvrent à une dynamique de questionnements sensitifs et de perspectives changeantes. Ici, Chloé Moglia redessine le plateau avec des dizaines de mètres de fin cylindre d’acier. Un territoire aérien, implacable, parcouru par six femmes, chacune revisitant à sa manière le paradoxe de la force et de la fragilité. Quand plusieurs femmes attentives à accueillir l’aléatoire, mesurent la force de la gravité et sondent les limites de leur pratique, l’intensité de la suspension se trouve déployée dans un espace marqué par le vide et dans un temps qui perd sa mesure. Sur le fil du rasoir, au bord du précipice… Dans son solo Rhizikon (2012), Chloé Moglia flirtait déjà avec cette passion du risque qui exalte la sensation d’être vivant. Précise, subtile, intelligente, voilà comment qualifier cette acrobate qui se joue sans relâche des lois de l’apesanteur.

Avec : Mathilde Arsenault Van Volsem, Fanny Austry, Elsa Bishop, Carla Farreny Jimenez, Chloé Moglia, Marlène Rubinelli Giordiano et, selon alternance, Viivi Roiha et Marion Soyer

interview de Chloé Moglia

Comment êtes-vous passée du trapèze à la suspension ? 
Une particularité du cirque me semble être la relation au danger, face auquel une voie consiste à transmuer la peur en une grande vigilance. Ce principe d'élever la vigilance tout en maintenant une tranquillité intérieure se retrouve dans les arts martiaux, que je pratique en parallèle. L’attention en est la clef de voûte, et m’a conduit à ralentir mes mouvements afin de percevoir davantage ce qui était en train d'advenir. Cela revenait finalement à changer de focale car j’étais témoin de l’enchaînement de phénomènes de plus en plus nombreux et de plus en plus fins. En décryptant ce qui se met en tension dans le corps, dans la respiration, dans l'esprit, j’ai peu à peu délaissé les figures pour m'intéresser à la suspension. Je me suis concentrée sur des mouvements extrêmement simples, que j'ai commencé à creuser à l'infini, par l'intérieur. Je me suis rendue compte que ce travail de décryptage et d'observation pouvait générer du sens, et se donner en partage. Face à la richesse incroyable du vivant, de la matière, du souffle, de l'imaginaire, de la pensée, je trouve qu'il n'y a rien à ajouter. Au contraire il faut soustraire ce qui en bloque l’accès et s’attacher à porter son attention sur des zones qu'on n'honore pas assez, pour les éclairer. Être attentif est communicatif. Si, sur scène, la personne n'a pas son attention repliée sur elle-même mais qu'elle la déploie vers l'extérieur, vers des questions qui dépassent les murs du théâtre, l'attention du public va la suivre et se diffuser vers ailleurs. On va partager un moment ensemble, où l’on pourra se relier, au sens noble, à l’émerveillement pour l’immensément grand ou l’infiniment petit.

Le titre, Aléas, évoque pourtant ce qu'on ne maîtrise pas... 
Chaque extrême génère son contraire. Dans la suspension, je pousse la maîtrise à son maximum, mais il y a toujours ce quelque chose qu'on ne maîtrise pas qui advient. C’est ce que je cherche : le vivant qui se manifeste, que je nomme aussi l'aléa. J'ai été par exemple très surprise de ce que génère le fait de libérer le souffle, qu'on a l'habitude de cacher et de maîtriser. Il est ici question de lignes dans l'espace, de chemins de crête à parcourir, de progression ou de transformation. C'est un trajet infini…

Est-ce qu'il y a un livre ou un objet qui vous a accompagnée pendant la création ? 
J'ai pris appui sur les livres d’Etienne Klein, notamment ceux qui portent sur le temps. Un autre livre a beaucoup compté : L'Univers bactériel, de Lynn Margulis et Dorion Sagan. C'est enthousiasmant et ça remet en cause les idées que l’on peut se faire de notre identité, des notions de progrès et de supériorité de l'humain... Il faut remettre un peu d'espace, de considération, de capacité d'émerveillement sur toutes ces choses-là. 

Propos recueillis par Pascaline Vallée

Bienvenue au LU
Le LU est fermé
Accueil - Billetterie
 
Exposition
 
Bar
 
Restaurant
 
Salon
 
Tour LU
 
Hammam
 
Voir les Horaires