Est-il moralement permis de causer un dommage dans le but de faire un plus grand bien ? Par exemple, de mettre la vie d’un individu en danger afin de sauver un plus grand nombre de personnes ? La réponse n’est pas aisée à donner et les êtres humains en discutent depuis l’Antiquité, comme en témoignent les débats philosophiques. Récemment, des neuroscientifiques ont repris la question et ont utilisé l’imagerie cérébrale pour voir ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous sommes confrontés à ce type de dilemme. Les résultats sont surprenants et suscitent même un “ ahurissement moral ” chez les personnes qui se soumettent à l’expérience, pour reprendre une expression du neuropsychologue Jonathan Haidt.
Les recherches liées à cette question et, plus généralement, celles qui scrutent ce qui se passe en nous lorsque nous portons un jugement moral ou prenons une décision, ont un grand impact sur la compréhension de notre comportement moral. Il semblerait notamment que, contrairement à ce qu’on a généralement cru, notre psychologie morale n’est pas unifiée et que nous utilisons différents “ modules ” en fonction des situations, qui nous tiraillent parfois dans des directions contradictoires.
Bernard Baertschi a enseigné la philosophie morale et la bioéthique à la Faculté de médecine et au Département de philosophie de l’université de Genève. En Suisse, il a été membre de la Commission fédérale d’éthique pour le génie génétique non humain (CENH) et, en France, il fait partie du Comité d’éthique de l’Inserm. Il travaille actuellement sur les questions éthiques posées par les biotechnologies et les neurosciences, domaines dans lesquels il a notamment publié les ouvrages suivants : La neuroéthique (La Découverte, 2009), La vie artificielle (CENH, 2009) et L’éthique à l’écoute des neurosciences (Les Belles-Lettres, 2013).